Tartare de maigre (poisson grognasse et pêche durable)

Nature mers et océansAu rayon des angoisses alimentaires, le secteur poissons est toujours bien garni. Entre les métaux lourds variés, l’impact de l’élevage, la nécessité de préserver les espèces, le flou de l’étiquette aux dénominations parfois folkloriques, il faut respirer un grand coup avant d’oser pointer le doigt chez le poissonnier vers l’espèce désirée. Et faire la queue en donnant des kilos  de conseils aux gens qui font la queue devant et derrière vous -la chieuse du marché Saint Quentin, c’est moi. Méfiez-vous, je vais vous casser les pieds avec votre tilapia à la noix au bilan carbone épouvantable et vos crevettes qui sont finalement un des pires choix écologiques à faire. Mais la question éternelle qui revient, c’est « t’es mignonne, mais ça se prépare comment, ce poisson que je ne connais pas ?« .

Bougez pas, j’ai ce qu’il vous faut, pour vous aider à cuisiner des espèces moins menacées et varier votre assiette sans racler le fond des mers. J’ai désormais sous la main le petit dernier de la collection « Nature » de Ducasse, Nature Mers et océans : Pêche responsable,qui réussit un joli tour de force iodé. 80 recettes made in Christophe Saintagne qui se basent sur la liste du Musée Océanographique de Monaco pour choisir des poissons moins menacés que les autres (mais tout est relatif dans ce sujet, et bien difficile à vérifier). Le taboulé à l’anguille fumée, la barbue aux noix et aux pommes, le lieu jaune en feuille de riz, le mulet au lait de coco, le hamburger de calamar m’ont déjà fait de l’oeil. Reste l’éternelle question du saumon (dans l’ouvrage, parfois « bio » donc d’élevage, avec les dégâts que cela implique…, parfois sans mention) qui me donne la migraine devant l’étal. Il n’y a pas pléthore de livre sur la cuisine quotidienne du poisson -quand j’ai une question ou un doute, je demande à Patrick l’expert- et ce livre semble un bon compagnon quotidien pour renouveler ses menus sans avoir l’impression de dévaster l’Amazonie et d’être responsable du réchauffement climatique.

Bon, trêve d’écolokitchen, si j’ai choisi le maigre ce samedi-là sur l’étal, c’est parce que j’avais entendu Alain Ducasse himself déclarer que tout bien réfléchi, « il préférait désormais le maigre au bar » (yep, texto, parce que ce jour-là, mes oreilles n’étaient pas loin de lui, 3615 jmelapète).

Vous savez quoi ? Le pire, c’est qu’il n’avait pas tort.

En plus, le maigre est un poisson bien plus rigolo à servir, puisqu’il serait (je ne l’ai jamais constaté par moi-même) pourvu d’une vessie natatoire qui lui permet d’émettre un étrange grognement lorsqu’il nage. Voilà une anecdote parfaite à servir à vos convives (« non, je ne fais pas le grognement du cochon, mais celui du maigre« ).  Qui a dit que c’est là l’origine du chant des sirènes ? Ne poussons pas Homère dans les orties -surtout s’il est nu sous le peplos.  Le maigre se retrouve ainsi surnommé grogneur -alors que franchement, c’eut été plus drôle de le surnommer grognasse, mais ça doit être mon côté latin qui s’exprime d’un coup.

tartare de maigreTartare de maigre légèrement asiatisé
Pour 2 gourmands

400 g de maigre (filet, darne…)
Quelques radis (6-7) ou 4 tranches de radis noir ou blanc
1 oignon rouge frais (ou 1 cébette)
1 c. à café de gingembre frais râpé
Jus d’1 citron
1 c. à café de yuzu ponzu
2 c. à soupe de bonne sauce soja
Graines de sésame

Placez le maigre 1h à 1h30 au congélateur pour raffermir sa chair. De la sorte, le tartare sera enfantin à réaliser.
Hachez l’oignon, ajoutez le gingembre, le citron, le yuzu ponzu, la sauce soja.
Taillez le poisson en petits dés -patience, patience. Faites de même avec les radis -cubes, lamelles, mandoline, c’est selon votre goût.
Assaisonnez avec le mélange précédent, ajoutez les radis.
Laissez au réfrigérateur une bonne heure avant de déguster.

Poutargue

Et tant que j’y suis, au rayon poiscaille, j’en profite pour vous recommander le divinissime petit dernier des Editions de l’Epure, le très martégal Poutargue de Mayalen Zubillaga. Si la poutargue est chère à mon coeur provençal, l’auteur l’est tout autant, mettant sa fantaisie et son talent au service de recettes aux petits oignons, voire même épatantes. Vous me direz des nouvelles de la salade d’oranges à la poutargue !
Je vous laisse, je vais aller voir si on peut faire des osselets à partir de vessies natatoires, ça m’a l’air d’être un marché en plein développement (durable).

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