Lazare, parce que Frechon rime avec très bon

D’habitude, je ne vais jamais dans un restaurant le jour de son ouverture… mais c’est le semainier des plats du jour affiché par Lazare, le nouveau restaurant d’Eric Frechon dans la gare du même nom, qui a eu raison de ma patience habituelle. Je n’aime pas trop essuyer les plâtres, ni sur les murs ni dans l’assiette. Mais la perspective d’attendre trois semaines avant d’avoir un lundi de libre me fit sauter dans le bus avec mon convive préféré du lundi, j’ai nommé un jeune testeur très prometteur d’1 m 20 environ au goût prononcé pour les bonnes frites et habitué à la passion de sa mère pour la gastronomie en général (lui, c’est plutôt les Pokémons).

En arrivant au seuil de Lazare, ce qui m’étonna au vu de l’espace -plus d’une centaine de couverts- c’est le niveau sonore. Souvent point faible à Paris -on ne s’entend guère au restaurant en-dessous de deux étoiles, tant pis, je l’avoue…- ici pas de brouhaha, une ambiance animée mais enjouée, vivante mais pas survoltée.

Le deuxième bonheur, c’est la sensation de rentrer vraiment chez quelqu’un une fois franchi l’accueil. L’effet table d’hôte sur laquelle s’ouvre la table ? La cuisine ouverte où l’on voit le ballet des cuisiniers ? les bouquets d’hortensias blancs sur les tables ?  Je ne sais pas. On est clairement dans le registre brasserie chic-chaleureuse, le truc bien sapé mais sans cravate (pfiou, on voit que la fashion week approche).

À la carte -imprimée sous forme de journal, ce qui tint pas mal en haleine mon commensal- j’ai hésité devant l’oeuf mayo (vu au passe en partant où je lui dit dans les yeux : « oh, je reviendrai pour toi ! »), louché sur la salade de rattes à l’andouille de Guéméné de mon voisin derrière (j’ai les rétines hyperlaxes et un rétro dans mes lunettes), trouvé que le céleri rémoulade à la pomme verte était une bonne idée, mais je fus forte et maintient le cap vers mon objectif premier : LA QUENELLE.

quenelleslazareAprès le pâté croûte so 2012, j’ai voué 2013 à la dégustation de toutes les quenelles qui tomberaient sous mon palais. J’ai ainsi savouré les mythiques quenelles Jo Rostang de chez Rostang, au soufflé stratosphérique, mais un peu lourde à mon goût -en texture et surtout en prix, 38 euros à la carte. Certes, on est dans le decorum d’un double étoilé…  J’ai aimé cet été celles du Flocons Village d‘Emmanuel Renaut, parfumées à souhait et parfaitement bombées, ni trop lourdes ni trop sèches, une belle réussite à 20 euros.

Et là… pour 18 euros… voici les quenelles de mes rêves. Moelleuses, dorées, au bon goût de brochet, elles ne sont ni à la panade ni à la semoule, et s’apparentent plutôt à des soufflés très denses. Légères… suaves… et contrebalancées -oh la bonne idée !- par une tombée d’épinards nichées sous elle, que l’on découvre au premier coup de fourchette. Légèrement amer, un poil acidulé, c’est le contrepoint parfait de la quenelle, pour une fois sauvée de son sempiternel riz qui a pas mal contribué à sa réputation de pot de colle stomacal. Alléluiah ! Enfin une bonne raison de se réjouir du lundi ! Au semainier, le jeudi (saucisse-purée) s’annonce pas mal non plus…

Mon jeune convive se régala d’un steak à cheval désarçonné (sans cheval donc, il ne kiffe pas trop les oeufs) dont il apprécia le jus et l’assaisonnement à coup de « c’est bon ! » « oh, c’est vraiment bon ! » répétés -il en avait perdu son vocabulaire. Le croûton de pain calé sous le steak (haché gros et magnifiquement relevé) pour s’imprégner de tous les sucs me fut cédé généreusement. Et me fit comprendre hélas pourquoi je n’étais toujours pas végétarienne.

parisdeauville-lazareL’heure tournait, il fallait quitter ce petit paradis et se dépêcher de choisir un dessert. Virgile essaya de me convaincre qu’il fallait qu’on en goûte trois, mais je n’approuvai pas ses notions d’arithmétique floue. J’avais bien en tête de goûter le Paris-Deauville, qui est en fait une version aménagée de la « Marie Louise », gâteau que faisait la Grand Mère d’Eric Frechon. J’ai cherché dans quelques dictionnaires, pour le moment je ne m’avoue pas vaincue, mais l’origine de ce dessert m’échappe. Evoquant la crème caramel, mais contenant de la farine qui fait qu’il se tient, cet entremet bien caramélisé disparaît tout seul de l’assiette, comme par enchantement. En plus, la recette est même directement affichée dans la salle, pour le refaire chez soi pardi – il est une heure du matin, je viens de finir deux kilos de confiture, j’attendrai demain pour en faire un, voire après-demain, mais je n’ai pas d’excuse.

Le mot de la fin, je le laisse à mon jeune commensal :
« maman, quand on a un restaurant, ce que l’on veut, c’est rendre les gens heureux ? alors ils doivent être bien contents ici. »

Que ce soit ce restaurant-là qui lui fasse énoncer cette belle évidence me réjouit, puisque nous étions tout à fait d’accord.

LAZARE
Parvis de la gare Saint-Lazare, rue Intérieure, Paris 8.
Ouvert tous les jours de 7h30 à minuit.

PS : j’ai réussi à écrire ce texte sans écrire une seule fois le mot bistronomique, je m’offre un Michoko pour célébrer ça.

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