Qui peut résister à une mousse au chocolat ?
On cherche souvent midi à quatorze heures, quand il y a des invités. Surtout pour le dessert. Trop chargé, il vous restera sur les bras ; trop léger, il risque de ne pas faire assez festif. Forcément, le chocolat est sur la liste de séduction : mais ras-le-bol des gâteaux, moelleux, fondants, coulants…
Ce n’est donc que cet été que j’ai réalisé que (presque) tout le monde adore la mousse au chocolat, mais que presque plus personne n’en fait. La faute peut-être à la poudre immonde qui permet d’en faire en collectivité (détectable au premier passage en papilles) ? La faute aux peurs liés aux jaunes d’oeufs crus ? Exit en effet le grand saladier des bistrots, qui sorti, rentré, sorti, rentré, sorti, rentré du frigo devient facilement nid à bactéries. J’ai été fort déçue en constatant que dans le tout nouveau tout chouette petit guide Lebey Où bien manger quoi à Paris , il n’y avait pas d’entrée pour la mousse au chocolat. J’ai bien cherché, entre les moules marinières et le navarin d’agneau, nada, nibe, degun. D’ailleurs, on n’y trouve pas non plus de baba au rhum, ni de crème caramel, desserts de bistrots et brasserie s’il en est : si Monsieur Lebey m’entend, qu’il sache que je suis volontaire pour tester les dits desserts pour une prochaine édition de son guide…
C’est en fait en préparant un article pour Elle en juin que j’ai cuisiné tout simplement une mousse au chocolat et au citron (voilà de quoi me concilier Clea et Estelle, puisque pour tout fan de chocolat il y a un fan de citron), me faisant réaliser que Virgile n’en avait jamais mangé. Pour cette mousse, le chocolat Alter Eco aux zestes de citron s’est révélé un adjoint essentiel et précieux !
Bien évidemment, il a adoré. Et j’ai du prendre cette photo très vite avant que le contenu du pot ne disparaisse.
(La photo a été publiée dans le journal, j’en ai été fière comme un pou savant à lunettes.)
J’ai recommencé l’expérience, et fini par élaborer un petit cahier des charges de la mousse au chocolat à mon goût. Parce qu’on est jamais si bien servi que par soit-même.
Si pendant longtemps j’ai pratiqué la fameuse recette de la tablette, comme on l’appelle (l’éternel 6 oeufs-200g chocolat-1 pincée de sel), l’âge venant, j’ai fini par trouver ma formule :
– Pas de beurre. Plutôt mourir que d’en sentir une parcelle sous la langue. Et Dieu sait que j’aime le beurre, mais pas dans la mousse, car je trouve qu’elle lui confère un côté collant désagréable.
– Du chocolat noir, mais pas trop. Pas la peine de dégainer le 70%. Les meilleurs résultats que j’ai obtenu étaient avec du chocolat à 60 ou 62% de cacao. Avec tout ce que cela implique donc de beurre de cacao, ceci explique pourquoi il n’y a pas besoin de beurre à mes yeux, certainement.
– Un soupçon de crème. De la crème liquide, entière, pas UHT si possible, que j’ajoute au chocolat fondu, en l’émulsionnant. A mes yeux, ça réveille les saveurs et apporte un moelleux incomparable. La touche lactée permet aussi à la mousse d’être moins dense. Certes, avec ces nouvelles matières grasses, cela plaide toujours pour l’anti-beurre (c’est une mousse quand même, pas un kouign amman). Pas encore essayé avec de la crème d’avoine ou de riz (la crème de soja, je la préfère toujours cuite, pour lui ôter son goût un soupçon terreux qui parfois m’irrite).
– Des oeufs, ultra-frais il va sans dire, bio ou label rouge. Parce que leurs jaunes sont jaune, et que leurs blancs montent toujours bien, et parce que les poules qui les pondent ont des becs et vivent dans des espaces plus grands que des feuilles A4. La pincée de sel a priori ne sert à rien pour faire monter les blancs, mais son goût est indispensable pour réhausser le cacao. Y’a rien qu’à voir ce que dit Caro pour achever de convaincre les sceptiques. Ah, et un peu plus de blanc que de jaune, juste un d’écart, pour tricher un peu sur le volume de blancs, et alléger tout ça.
– Du sucre, un souffle. Longtemps j’ai fait partie de la caste anti-sucre ajouté dans la mousse. Maintenant je trouve qu’une cuillère à soupe pour serrer les blancs permet une meilleure texture, sans trop sucrailler.
– De l’huile de coude. Mon amie Iana fait vraiment la meilleure mousse au chocolat du monde. Sa recette ne tient heureusement pas compte de tout ce que je viens d’écrire. Mais son secret est tout simple : elle bat ses blancs à la main, au fouet, à l’ancienne. Je n’en ai jamais le courage, ni le temps, ni la patience. Mais je sais que la souplesse et le fondant de son irrésistible mousse viennent de ce long geste amoureux -et qu’elle risque le mousse-elbow à chaque fois pour régaler ses amis.
Voilà, maintenant, retroussez-vous les manches, et faites plaisir à tout le monde, même à Mamie Yvonne.
MOUSSE AU CHOCOLAT COMME JE L’AIME
170 g de chocolat noir à 60 ou 62%
8 cl de crème liquide entière
5 oeufs bio
1 cuillère à soupe de sucre blanc
1 pincée de sel
Hacher le chocolat pour qu’il fonde vite sans brûler. Le faire fondre à feu très doux (ou au bain-marie, ou au micro-ondes : utilisez votre méthode de prédilection). Hors du feu, ajouter la crème en émulsionnant peu à peu.
Séparer les jaunes des blancs d’oeufs, mettre un jaune de côté au réfrigérateur (vous ferez une mayonnaise ou une crème demain). Ajouter les jaunes au chocolat et à la crème, mélanger. Battre les blancs en neige avec une pincée de sel. A mi-course, les saupoudrer de sucre et continuez à battre jusqu’à ce qu’ils soient bien fermes.
A l’aide d’une maryse (très important : instrument magique pour mélanger sans briser les blancs), ajouter 3 cuillères à soupe de blancs d’oeufs dans le chocolat et mélanger vivement. Verser ensuite le chocolat sur les blancs (beaucoup disent de faire l’inverse, mais j’ai remarqué pour ma part que le mélange se fait plus facilement en ce sens !), et mélanger en coupant le mélange et en tournant le saladier d’un quart de tour à chaque fois. Ca a l’air compliqué comme ça mais avec les mains à 12h15 sur le saladier, ça se fait tout seul, et ça permet aux blancs de rester entier.
Couvrir, mettre au réfrigérateur au moins 4h.
Au moment de servir, si vous êtes en forme, mélanger du bon grué de cacao et un peu de fleur de sel, et saupoudrez-en vos mousses. Miam.
NB : ceci est la 4ème recette au chocolat de ce blog.Il y a eu le cake, mais il y a aussi la Danette et plus longtemps encore la ridicule photo des financiers au chocolat, qui sont une exquisiterie sans nom, Jean-Paul Hévin oblige. C’est une honte pour un blog qui a eu 4 ans en août, ma bonne dame !